lundi 22 décembre 2014

Noël, la fin, les armes

Ai!
Noël approche et au Nord les Inuits le célèbrent en grand ainsi que le jour de l'an. L'année passée j'avais participé aux célébrations du nouvel an donc cette année, je voulais voir celles du jour de Noël (et, on doit donner l'une des deux fêtes comme disponibilité)
La ts pas sure 
Mes collègues ont organisé un party de Noël pour les employés du nursing et d'autres partenaires de travail avec beaucoup de nourriture, des jeux et des prix. J'ai pu goûter à un petit oiseau appelé Aqiqqiq en inuktitut mais lagopède en français. C'est un oiseau qui se promène dans les alentours et qui est assez bon.  Il y avait également une parade à l'école et tout les organismes du village étaient invités à participer. Le but était de se déguiser, déguiser l'auto de service et se promener dans les alentours. Tout ça pour pouvoir gagner une statuette qui aurait pu être fièrement affichée dans notre bureau pour un an attestant que notre organisme avait été le 'meilleur' selon la population. Pour moi qui n'aime pas tant Noël, j'avais parfois l'impression d'être le Grinch qui aurait atterri à Chouville. Bref, mon enthousiasme de Noël étant restreint, j'ai été contente que des circonstances nous empêchent de participer à la parade...
maison de Puvirnituq
À Puvirnituq l'année dernière il y avait également un concours des maisons les mieux décorées. Durant le temps des fêtes à Umiujaq, les policiers en partenariat avec la municipalité émettent une interdiction de commander de l'alcool durant les fêtes. C'est justement pour éviter qu'il y ait trop de dérapages mais ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'alcool dans le village, la contrebande existe. La COOP offre également des rabais chaque jeudi du mois de décembre pour favoriser la consommation. Les gens du village se lèvent très tôt pour profiter de ses rabais. À Umiujaq, il y a eu des rabais de 20%, 30% à date mais il paraît qu'il y parfois des rabais plus grands dans d'autres villages. La folie de la consommation à Noël est parvenue jusqu'au Nord et, malheureusement on m'a soufflé à l'oreille qu'en janvier, les services sociaux auront à éponger diverses problématiques liées au fait que certaines personnes dépensent trop et se retrouvent sans le sou.

on mange à terre why not?
jeux
On se rappellera que les inuits mangent encore souvent de façon traditionnelle donc, au sol. Aussi, particularité intéressante que j'avais déjà abordé probablement, en général les inuits ne parlent pas en mangeant ou si peu. Tout le monde se tait et mange. Fouillez-moi pourquoi, c'est comme ça .Le temps des fêtes est un temps ou il y a beaucoup de jeux entre les inuits, des jeux d'habileté, des drôles de jeux mais, qui sont pris très au sérieux. À partir de demain, il y aura des jeux chaque soir sauf dimanche au centre communautaire et tout les gens du village sont invités à participer et à compétitionner... Dans l'ancien temps, les célébrations de Noël duraient un mois et demi et maintenant elles sont réduites à deux semaines.  Un grand festin a également lieu le 25 décembre dans chaque village et toute la communauté y est invitée. J'irai faire un tour, puis je prendrai l'avion quelques jours plus tard pour retourner vers mon chez moi ou je passerai le jour de l'an et le mois de janvier.

Dans un autre ordre d'idée, les inuits sont de grands chasseurs mais qui dis grands chasseurs dit beaucoup d'armes dans le village. Un enfant à été atteint par balle cette semaine par une balle perdue d'un jeune chasseur. Qu'on se rassure, l'enfant est sain et sauf et il y a eu plus de peur que de mal. C'est arrivé il n'y a pas si longtemps à Salluit et Ivujivik également mais il s'agissait de jeunes hommes et le dommage fut beaucoup plus grand. Les armes sont bien présentes dans toute les maisons, parfois entreposées sans aucune sécurité. Il est prouvé que la présence d'armes dans une maison augmente le risque de suicide et d'homicide. Venez mélanger ça avec la détresse et la violence présente au Nord et c'est un explosif mélange. Je me souviens d'une intervention conjointe avec un policier que j'avais beaucoup aimé. Le jeune que j'étais venue évaluer pour des idées suicidaires voulait le faire avec un fusil et il y en avait des tonnes dans sa maison. Devant mon insécurité à le renvoyer chez lui malgré le fait qu'il n'était plus activement suicidaire, le policier lui avait proposé de venir avec lui pour sécuriser les armes de la maison. Ils ont fait ce travail ensemble et le jeune a rappelé le policier quand il s'est rendu compte qu'une des armes n'avait pas son propre dispositif de sécurité. La théorie des petits pas, j'y crois. C'est en aidant à changer certaines habitudes qu'on peut apporter des changements à long terme mais, c'est un travail de longue haleine.

Je termine ce séjour et ce message sur cette entrevue de Widia Larivière de Femmes autochtones du Québec que je vous invite à regarder parce que j'ai parlé souvent de ce sujet sur ce blog mais bon pourquoi ne pas répéter? Je reviens au nord fin janvier mais mon expérience tire à sa fin...
Atsunai!






mercredi 10 décembre 2014

Les infirmières du Nord

Ai!
coucher de soleil sur l'Hudson
Cette semaine la DPJ d'Umiujaq qui est voisine des services sociaux a reçu des dons de vêtements et autres cossins. Elle a reçu plus exactement 28 boîtes et pas des petites boîtes, des grosses. Imaginez-vous donc que le lendemain, il en restait 5-6. Il fallait voir la bâtisse envahie par les gens de la communauté pour comprendre que c'était plus que bienvenu comme don. Je ne sais si ces dons sont reliés au temps des fêtes mais on soulignera quand même que la pauvreté ici comme ailleurs au Canada est présente à l'année longue... mais bon on le savait déjà. 

Une chose importante à savoir sur les petits villages de notre côte comme Umiujaq, Ivujivik, Akulivik c'est que les infirmières et plus rares infirmiers sont ce qu'on appelle des 'infirmières de brousse'. En fait, la plupart des infirmières au Nord ont souvent un rôle élargi mais il est encore plus grand en petit village. C'est à dire qu'elles font oui des soins infirmiers mais un peu n'importe quoi aussi. Le 'rôle élargi' qu'elles obtiennent en venant ici est aussi relié à beaucoup d'autres responsabilités qui n'ont rien à voir avec les soins infirmiers classiques.

l'allée des maisons grises
Par exemple, quand la TS qui vient d'arriver (moi) s'embarre dehors en laissant ses clés à l'intérieur c'est l'une d'entre elles qui va venir essayer un paquet de clés en plein blizzard pour essayer d'en trouver une autre qui marche. Si cette même TS pète la porte d'une laveuse du logement d'Ivujivik, elles vont lui dire que ce n'est pas grave, qu'elles vont juste la changer (elles-mêmes, oui) parce qu'au Nord 'rien de ne répare et c'est plus simple de remplacer'. Si encore la même fille (moi) se brûle avec son four, l'infirmière va faire des soins infirmiers avec elle mais aussi faire un peu plus que juste lui mettre des pansements en la rassurant sur l'évolution de la blessure. 

l'allée des maisons rouges
Certaines apprécient grandement la latitude que le Nord leur donne parce qu'au sud il paraît qu'il faut l'autorisation d'un docteur pour tout, même pour donner une Tylenol. Ici, elles peuvent faire des points de suture, mettre au monde un enfant, administrer les médicaments, intuber un patient et j'en passe. Mais, comme le dit cette célèbre phrase ; 'Un grand pouvoir amène de grandes responsabilités'.

Ces femmes et ces (plus rares) hommes aussi agissent parfois en situation de crise, des bébés qui arrêtent de respirer, des hommes et des femmes qui arrivent et qui sont à un cheveu de la mort,  des tentatives de suicides live ect. Elles en sauvent parfois et d'autres fois non. Parfois, dans les petits villages comme Umiujaq ou il n'y a pas de docteur et qu'elles ne peuvent donner les soins nécessaires, la personne doit être transportée en avion vers l'hôpital de Puvirnituq mais la température ne le permet pas alors elles sont là à attendre et espérer. D'autres fois, elles sont carrément impuissantes et le temps est compté mais, font de leur mieux, avec un docteur à distance au téléphone pour les épauler. Elles ont parfois à vivre avec le regard de la communauté lorsqu'elles n'ont pas pu sauver l'un des leurs... Il arrive que des bébés meurent dans leur bras et elles se sentent coupable et pourtant, tout le monde sait bien que certains bébés au Nord sont très fragiles, presque condamnés avant de venir au monde en raison de la consommation d'alcool ou de drogues de la mère durant la grossesse. Les victimes directes de ces abus sont les enfants eux-mêmes et les victimes collatérales sont ces infirmières qui n'ont pas pu les sauver, les travailleurs de la DPJ qui ont essayé d'aider l'enfant et bien sur la famille et la communauté qui s'est attachée à l'enfant le temps de sa courte présence sur terre... J'écris ceci en pensant à une situation particulière et parce que je trouve important de saluer le travail de ces personnes même si parfois elles m'énervent car certaines sont contrôlantes et pensent qu'elles sont les expertes sur tout! ;)
levée du soleil

Vous savez un jour un médecin m'a dis ceci, il m'a dis depuis que les soins de santé se sont améliorés au Nunavik, cela aggrave certains problèmes sociaux. Comment c'est possible me direz-vous? Ça s'explique par le fait qu'avant notre venue il s'effectuait une espèce de 'sélection naturelle'. C'est horrible à dire mais les gens qui avaient à mourir, mourraient et c'était mieux comme ça. Or, depuis que nous sommes ici, ils ne meurent plus ou en tout cas moins souvent mais ça ne veut pas dire que leur vie ou celle de leur famille est meilleure. La présence de l'enfant gravement handicapé met une pression importante sur l'ensemble de sa famille qui s'épuise et n'a souvent peu ou pas de support. C'est la même chose pour l'homme d'une cinquantaine d'année qui a fait un AVC et qui a eu des pertes cognitives importantes. Sa famille est épuisée et les ressources ne sont pas la. En même temps, ces personnes sont souvent victimes du manque de ressources également au sud mais au nord c'est amplifié par 10! Parfois, en voulant aider, on nuit.

me voyez-vous?

Dans un autre ordre d'idées, j'ai vu mon premier lièvre arctique!! La qualité des photos est pas superbe vu que j'ai zoomé au coton mais bon. J'étais surprise de voir à quel point c'est un animal dodu et grand. Il paraît que c'est le géant de la famille des lièvres. Les inuits l'appellent Ukaliq. On me dit qu'ils sont très présents ces temps-ci dans les alentours du village ainsi que les
renards arctique, leurs prédateurs...
coucou! 
Atsunai!

mercredi 3 décembre 2014

Umiujaq ou de l'autre côté du miroir

Ai!
entrée du village
Il m'est arrivé une chose spéciale en arrivant pour ma première semaine à Umiujaq. Spéciale, pour ne pas dire chiante. Il faut d'abord savoir que quand vous arrivez en tant que remplaçante au Nord on vous met souvent dans un transit en attendant que le logement que vous allez occuper pour votre remplacement se libère. Donc, le moment que j'attendais était arrivé et j'avais déménagé dans mon logement permanent. L'histoire est plus compliquée que ça mais je me suis retrouvée embarrée dehors avec les clés à l'intérieur. Le nursing n'ayant aucune clé de rechange (inhabituel mais causé par le roulement de personnel et le changement fréquent de serrures car certains partent avec les clés) donc, j'étais sans-abris pour un peu moins de 24 heures. On a finalement du briser ma porte pour que j'y entre. Je me suis peignée avec une fourchette, j'ai demandé à un gars qui restait à l'hôtel de m'apporter les petites bouteilles gratuites de shampoing et autres, j'ai dormi dans mes vieux vêtements et, j'ai reçu de l'aide alimentaire...


plage gelée d'Umiujaq
Vous savez quel est l'un des services des services sociaux les plus populaires dans certains villages? C'est le food emergency qui est accordé en priorité aux familles avec jeunes enfants et aux personnes âgées. Le prix élevé des aliments, la difficulté des inuits de faire un budget et les dépenses parfois importantes d'alcool peuvent faire en sorte que des gens se retrouvent devant cette problématique mais, il y a également milles autres raisons. C'est à dire que si vous avez pas d'argent et pas de nourriture vous allez aux services sociaux et, le ou la travailleuse sociale fera donc une évaluation avec vous de vos revenus et de la situation économique qui fait actuellement vous n'avez pas d'argent pour vous achetez de la nourriture. Ensuite, on appelle notre superviseur et il nous accorde ou pas la permission d'aller à la COOP avec la personne et de lui acheter de la nourriture. Attention, le rôle du travailleur social ne s'arrête pas la car il doit essayer de faire un plan avec la personne pour que ça ne se reproduise pas trop souvent et faire la police à l'épicerie en quelque sorte. La personne n'a pas le droit de s'acheter chips, liqueur ou autre junk food. L'argent du centre de santé doit servir à de la nourriture de qualité. Tout ça pour dire que l'espace d'un court instant ce fut moi la 'bénéficiaire' qui a accompagné ma collègue inuk qui refusait de me laisser mourir de faim ou de manger seulement du riz. Je ne me sentais vraiment pas bien de dépendre des autres pour ma subsistance, de ne pas avoir de ressources financières ou matérielles suffisantes et ça m'a frappé combien je ne sais pas comment font la plupart des inuits démunis (et de tout les gens démunis sur la planète) pour vivre comme ça...

plage d'Umiujaq
Dans un autre ordre d'idées, une chose importante à savoir sur le nouveau village ou je fais un remplacement actuellement, c'est  qu'avec Salluit, c'est l'un des pire village niveau voyage. Il y a souvent des forts vents, de la brume, bruine, brouillard et d'autres trucs (vents, blizzards) qui font que le voyageur ou la personne qui a besoin d'un avion que ce soit d'un avion Medevac (urgence médicale) ou d'un simple transport pour aller voir sa famille ne peut parfois pas décoller. C'est du à la position/relief du village. Des vents contraires s'affrontent. J'ai lu que des vents qui proviennent d'une direction entre le nord-est et le sud-est au dessus des collines produisent de la turbulence mécanique au-dessus de la piste. Bref, tout ça pour dire que depuis vendredi dernier c'est la première journée ou il fait 'beau'. Alors, je ne me fais pas d'espoir pour revenir à la date ou je suis censée revenir car mère nature dicte sa loi ici mais, en même temps ; À Umiujaq, on peut découvrir des phénomènes géologiques uniques au monde (Lac Guillaume-Deslisle, Lac à l'Eau Claire, Lac des Loups Marins, Petit lac des Loups Marins). En décembre 2012, le plus grand parc national du Québec, le Tursujuq, fut créé pour la protection de cet immense territoire qui n'est accessible que par avion. Je vais pouvoir aller explorer ça sous peu!

petite maison privée
Il y a quelques semaines, un jeune inuk est mort d'hypothermie dans la toundra des alentours. Il était parti chasser je crois, un blizzard s'est levé ils se sont perdus et l'un d'eux qui restait en arrière et était déjà en état grave d'hypothermie s'est mis à se déshabiller (oui, vous avez bien lu). Je ne savais pas mais quelqu'un en état d'hypothermie sévère adoptera parfois le comportement paradoxal d'enlever ses vêtements. Les personnes peuvent sembler saoules et désorientées complètement. Avant de mourir, elles adoptent parfois des comportements pouvant sembler étranges comme de s'enterrer. Ce n'est pas un comportement encore bien compris mais certains scientifiques pensent que ce serait un mécanisme primitif qui est activé par notre cerveau en dernier recours comme les animaux à sang chaud qui hibernent dans une tanière... Le 'déshabillage paradoxal' s'explique par le fait que le corps veut réduire au maximum la perte de chaleur donc les vaisseaux sanguins se contractent mais s'épuisent à la longue et s'arrêtent. C'est à ce moment que le sang chaud va rapidement des organes vitaux aux extrémités du corps et que la personne est submergée par une vague de chaleur. Elles pensent alors mourir de chaud (avec la confusion) et se dévêtissent... Important à savoir car ce sont des choses qui peuvent arriver n'importe ou au Québec avec les sans-abris à Montréal ou simplement si vous êtes adepte de randonnée et qu'un de vos compatriotes se met à agir comme s'il était saoul...

Jusqu'à présent, Umiujaq est agréable et les gens sont sympathiques même s'il semble y avoir des espèces de clans liés aux familles, à l'origine des gens, et aux institutions dans le village. Une famille détiendrait 'le pouvoir' au sein de la communauté et cela créerait tensions et insatisfactions au sein de la communauté. On dirait une espèce de société secrète ou comme une inuk m'a dit une 'native mafia' où il faut être prudent à qui on parle et de quoi... C'est assez mystérieux pour le moment pour moi alors j'observe et écoute...C'est aussi la première fois que dans la bâtisse oû je travaille je suis la seule Qallunak , ( le nursing est dans une autre bâtisse). À suivre pour la suite...


Atsunai!
selfie avec ma belle capuche!!