mercredi 27 novembre 2013

la fin d'un autre séjour

Ai tout le monde


Je repart déjà du Nord pour y remonter en janvier à Puvirnituq et ce billet sera mon dernier billet quotidien du nord. J'y réécrirai peut-être de façon occasionnelle mais ce ne sera plus quotidien. Je suis très contente de retrouver les gens que j'aime et de quitter l’hôtel ou je vis depuis trois semaines entourée de gars de construction qui me font des belles remarques comme «Ouai, t'es la seule femme de l'hotel!» «Tu nous fait-tu un bon dessert a soère?!»  et des délicates déclarations du genre «Ya tu des maisons d'inuits qui puent pas?!» Ah lala!  Je vous laisse sur des belles images des alentours d'Akulivik...Ahh je m'ennuie déjà de l'immensité et des paysages qu'on retrouve ici!

 Je vais aborder un thème délicat en parlant du génocide que le Canada a fait et continue encore de faire contre les peuples autochtones et les inuits. En étant au Nord et en travaillant avec les inuits je me rend compte que ce peuple est souvent oublié du reste du Canada, est oublié du gouvernement fédéral de notre cher Steven Harper. Saviez-vous que récemment il est allé à la mine Raglan qui est située à proximité de deux communauté inuits et qu'il ne s'est pas donné la peine de les visiter? Saviez-vous que le gouvernement du Canada a stoppé la construction de logement sociaux pendant six ans à la fin des années 1990 et a ainsi créé l'immense pénurie de logement que connaît actuellement le Nunavik et qui exacerbe maintes et maintes problématiques? Saviez-vous qu'actuellement des pressions sont faîtes pour que le gouvernement soit formellement accusé de génocide? Oui, notre bon Canada, le plusss meilleur pays du monde et son génocide personnel. Je voulais écrire plus en détail sur ce sujet mais pour ceux que ça intéresse je vous laisse lire (en anglais) cet article http://www.huffingtonpost.ca/2013/10/18/genocide-first-nations-aboriginals-canada-un_n_4123112.html

Quand on se rend compte de tout ça, on se demande mais pourquoi? Comment on peut être aussi foncièrement indifférent au bien-être de ces populations? Les ressources naturelles sont la clé de cette réponse. Une infirmière très avisée m'a dit tu sais, il est plus facile de faire des accords et de faire des ententes avec des populations peu scolarisées, des populations démunies et souvent sous l'effet de l'alcool... (Okay, ça sonne un peu comme une théorie du complot, allo frérot! mais quand même c'est tout à fait plausible!) Ce ne serait donc pas pour rien que le gouvernement du Canada fait preuve d'un laxisme aussi flagrant et évident envers ces populations, c'est justement parce qu'il veut les maintenir dans un perpétuel état d'infériorité pour mieux les manipuler mais bon ce n'est qu'une théorie... On dira aussi que ces peuples doivent se prendre en main par eux-mêmes aussi mais ce n'est pas facile avec tout ce qu'ils ont subi...  bref y'a toujours du positif... Je vous laisse sur ce joli petit vidéo qui m'a beaucoup émue. Il pourrait aussi bien s'agir de jeunes inuits...
http://www.wapikoni.ca/films/corriger-le-tableau
Atsunai!
Taima! (c'est finit)




jeudi 21 novembre 2013

Quelques croyances...

Ai!
Il ne me reste déjà plus beaucoup de temps au Nord pour ce séjour-ci, je repars déjà la semaine prochaine et j'y reviendrai fin décembre. Ce sera probablement l'un des derniers billets «régulier» de mon blog également car je trouve de moins en moins le temps d'y écrire. La semaine prochaine, je termine ça en beauté en vous parlant du génocide que continue de faire notre beau pays envers les populations autochtones. Cette semaine j'aborde un thème différent en lien avec les croyances des inuits mais qui est selon moi tout à fait intéressant. Je ne parlerai pas de l'ensemble de la cosmologie inuit car je la connais peu (comme malheureusement la plupart des inuits actuellement) mais seulement de certains éléments. Oh en passant voici un joli petit court métrage à regarder sur ce thème, l'oiseau blanc que vous y verrez est supposément délicieux...



Un homme inuit m'a dit cette semaine les gens qui font de la construction à tel endroit ont été surpris par des petits esprits appelés tuurngait (je crois). Ce sont de petits esprits qui gardent la terre. Ils auraient dit aux gens de la construction quelque chose comme «Que faîtes-vous de notre terre, cessez de lui faire mal! » (en inuktitut) et les hommes auraient eu tellement peur qu'ils se sont enfuis. Cet homme, un monsieur tout à fait sain d'esprit qui est allé à l'université (ce qui est très rare ici) me racontait cela tout à fait sérieusement. Il paraît même que ces petits esprits s'amusent parfois à déplacer vos choses si vous aller camper dans la toundra. Toute cette histoire et le sérieux avec lequel elle me fut racontée m'a donné le goût de m'intéresser à ce qui faisait et fait encore partie des croyances des inuits bien avant que les blancs viennent les coloniser en leur imposant le christianisme.

Ce n'est pas un thème que les inuits abordent facilement parce que c'est un sujet qui est parfois considéré comme tabou mais qui ne devrait pourtant pas l'être.. Saviez-vous qu'ici quand quelqu'un meurt on donne encore souvent son nom à un bébé naissant. Par exemple, j'ai su que le premier bébé né inuk après la mort
du policier blanc Steve Déry à Kuujuaq en mars avait hérité de son nom. Il arrive donc que plusieurs personnes dans la communauté aient le même nom et prénom car ils furent nommés par le nom d'un ancêtre reconnu. Cela vient d'une pratique ancienne qui découlait de la croyance que la personne décédée ait choisi de se réincarner dans le corps du nouveau-né et que le nouveau-né pouvait hériter de ses qualités physiques et spirituelles. Donc, les ancêtres continuaient d'être respectés à travers le corps des enfants. C'est une pratique qui a encore court de nos jours. Par ailleurs, les noms de familles sont tout récents pour les inuits et ont été imposés par les autorités canadiennes après le fameux système des numéros.

                  Tambour inuit
           sculpture d'un chaman qui danse 


Il y avait des chamans aussi autrefois au Nunavik et leur rôle était multiple mais principalement le chaman était la pour créer le pont entre le monde visible et le monde invisible, le monde des esprits. Le chamanisme se caractérise par le culte de la nature et la croyance aux esprits. Il se manifestait souvent par des cérémonies avec des danses et du tambour et leurs danses racontaient les histoires des esprits ou célébraient seulement le retour des chasseurs.
Selon la pensée inuit, l’univers (silajjuaq) est occupé par les êtres vivants (humains, animaux, végétaux), les défunts et les esprits (tuurnngait) qui occupent chacun des mondes différents mais inter-pénétrants. Tout être vivant est pourvu d’un anirniq «respiration, souffle vital» qui, à la mort du sujet, intègre un nouveau corps animal ou humain. La conception du monde inuit représente un continuum, où chaque élément fait partie d‘un tout
                                                                                              Sedna, déesse de la mer

Tout ce qui vit était très important pour les inuits et l'est encore pour certains. Les inuits étaient tellement dépendants de la nature pour survivre qu'ils ont développés une relation particulière et un respect profond de celle-ci. Il n'y avait pas d'Halloween dans le calendrier traditionnel des inuits mais plutôt « Nurraliut » (la naissance des caribous), « Akunnaituq » (le temps où les peaux de caribous sont parfaites pour la confection de vêtements), « Amiraijaut » (quand le panache des caribous tombe). C'est donc dire que tout tournait autour des animaux et de la nature. Encore aujourd'hui, j'ai rencontré beaucoup d'inuits qui déplorent le fait que leur terre est et sera saccagée avec les mines. Le respect de la nature est une valeur importante pour plusieurs d'entre eux comme pour les peuples autochtones... Par opposition aux Inuits et autres populations autochtones, on peut dire que le rapport que nous entretenons avec l'environnement en est un de force et de domination pour en extraire les richesses et s'en servir de façon utilitaire...

Bref, ce n'est qu'un bref survol de la complexité et de la différence des croyances des inuits qui sont malheureusement assez perdues aujourd'hui mais dont il subsiste quand même quelques traces parfois ici et la... Au détour d'une conversation un inuit vous dira que la vague de suicide au Nunavik est liée aux mauvais esprits, un autre vous dira que les chiens qui vous suivent choisissent de vous protéger et une autre viendra essayer de vous vendre une peinture de Sedna la déesse de la mer...
C'est vraiment un autre monde... :)
Atsunai!

mercredi 13 novembre 2013

Akulivik à la dérive

Ai!
À première vue, c'est l'expression qui me vient à l'esprit quand mes premières impressions ont été faîtes sur Akulivik. C'est un village à la dérive. Chaque village est différent, je commence à m'en rendre compte. Vous vous souvenez ma photo avec les community worker d'Inukjuak? Je les ai quitté à regret, je m'étais attachée à eux... Ici, les community worker ont un fort taux d'absentéisme. Une d'elle a d'ailleurs des problèmes personnels importants comme l'ensemble de la communauté. How do you do without them?? que j'ai demandé à Earl le travailleur social que je suis venu supporter jusqu'à la fin du mois, et il m'a répondu quelque chose comme je me débrouille!

Earl est un drôle de bonhomme, un monsieur originaire de St-Vincent les Grenadines (je ne savais même pas ou c'était!) mais c'est une petite île des Antilles et il s'est ramassé à travailler dans le nord québécois! Il ne dort pas la nuit ou presque, a déjà fait un marathon de danse à Inukjuak ou il aurait pu mourir pour éveiller les consciences sur le suicide et a d'ailleurs brisé un record du monde. Ça a beaucoup touché les gens d'Inukjuak. Vous pouvez voir le lien ici ; http://www.nunatsiaqonline.ca/stories/article/65674in_nunavik_one_mans_dancing_just_to_stay_alive/
C'est un drôle de spécimen avec un vécu particulier comme on en retrouve souvent au Nord, un jour il faudra que je vous parle davantage des travailleurs que je croise ici car ils sont souvent particuliers, parfois dans le bon sens et parfois dans le mauvais sens... En passant, voici des images de reste de morse ou de phoque qui fut tué et laissé à l'abandon pour le grand plaisir des oiseaux...

Bref, imaginez que vous arrivez dans une communauté ou il n'y a pas eu d'employé à la poste depuis deux semaines parce que personne ne veut travailler et que poste canada suite aux plaintes a du faire venir quelqu'un d'un autre village pour y travailler. Ça en dit long. Il n'y a pas non plus de community wellness ( un travailleur inuit censé travailler sur des projets communautaire pour amener le mieux-être de la communauté ). Le dernier aurait été renvoyé pour avoir utilisé les fonds mis à sa disposition de façon malhonnête. La maison des jeunes est couverte de graffitis, il y aurait eu des viols, des passes de drogue et lorsque nous y sommes passé elle était barrée alors qu'elle devait être ouverte pour les jeunes de la communauté. Il n'y a pas de refuge pour femmes non plus ici donc les femmes doivent prendre l'avion pour quitter leur conjoint violent. En un sens, ça a du bon. Les femmes doivent réellement s'éloigner géographiquement de leur conjoint...

Il y a eu des événements très durs cet été à Akulivik. Un jeune s'est tiré devant pleins d'autres gens dans la rue dont des enfants. Il y eu également une fusillade impliquant un homme et des policiers, il paraît que ça ressemblait au far west et finalement ça s'est terminé avec la mort de l'homme qui tirait. Dans le dernier mois, il y a eu beaucoup de violence, des viols également... Traumatismes sur traumatismes qui ne sont jamais résolus et jamais guéris, ça ne donne pas de bons résultats. Une équipe de psychologue viendra début décembre pour rencontrer les jeunes ayant été victime du suicide cet été mais c'est un peu tard non? On m'a dit «les gens d'Akulivik ont abandonné» mais, je refuse de penser qu'il s'agit de l'ensemble du village. Quoiqu'on m'ait dit que les gens du CLSC ont fait l'exercice d'essayer de trouver au moins cinq familles qui vont bien dans le village sans y parvenir...

Je réside à l’hôtel flambant neuf pour le reste du mois de novembre et j'ai vu passer la facture. C'est 4700$ qu'il en coûte au centre hospitalier pour m'héberger ici en raison de manque de logements. Ma boss m'a dit que je valais chaque sous dépensé, jolie remarque non? Je fais la cuisine avec des gars de la construction, étant la seule femme de l’hôtel. On peut dire que ça fait des conversations «spéciales» parfois...

Je vous laisse avec ce petit vidéo et images que j'ai pris des alentours d'Akulivik, tout ce que vous entendrez c'est moi qui dit «as you can see» mais je disais aussi qu'il y avait beaucoup de vent !
Atsunai!

jeudi 7 novembre 2013

Akulivik

Ai tout le monde!                                                                                                    
J'aimerais bien vous dire que l'Halloween a été intense et que nous avons eu trop d'enfants pour le nombre de bonbons que nous avions acheté mais ce n'était pas le cas malheureusement! Bien que ma collègue Janie ait annoncé sur le groupe facebook d'Inukjuak que la maison ou nous allions être allait avoir des bonbons, il semblerait que peut-être les enfants avaient une certaine gêne d'aller «trick or treating» à une maison du centre de santé? On a quand même eu une quarantaine d'enfants. C'était drôle de voir des petits monstres sur motoneige. Autre différence culturelle bien sur les enfants ne sonnent pas et entrent tout simplement dans la maison!   Selon nos collègues inuits on aurait du l'annoncer à la radio du village également pour avoir plus de popularité. Les groupes facebook de villages sont très populaires au Nunavik. En gros c'est un groupe ou tout les habitants du village peuvent poster n'importe quoi. Un tel postera qu'il a des hamburgers à vendre ce midi (oui, oui!), une autre postera qu'elle vient de terminer des boucles d'oreilles qui sont à vendre, ce parent lancera un appel à tous pour savoir qui a volé les nouveaux pantalons de neige de son fils, ect. C'est cocasse mais très utile.                          
 Janie qui attend les enfants...


Deux TS bien déguisées! 

Je vous écris en direct d'Akulivik, un nouveau village! Ce village s’appelle ainsi parce qu'il a la forme du kakivak (harpon). J'ai volé aujourd'hui d'Inukjuak à Akulivik. J'aurai vraiment du avoir mon appareil à bord car la toundra enneigée et le coucher de soleil étaient magnifiques. Je suis à Akulivik jusqu'à fin novembre et après c'est mes vacances pour quatre semaines. Normalement, il n'y a qu'un travailleur social à Akulivik parce que c'est un petit village mais depuis l'été plusieurs drames ont eu lieu dans ce village et ma coordonnatrice a jugé bon de m'envoyer en support. J'ai entendu dire que c'était un village dur, beaucoup d'inceste, beaucoup de violence de toutes sortes et cela m'a été confirmé par plusieurs personnes. Je vous dirai si je le remarque. C'est un petit village, le plus petit ou j'ai été à date et un village très récent dont la création date de 1975. C'était un ancien poste de traite selon ce que j'ai lu qui avait été abandonné et des familles se sont remises à y venir habiter en transportant eux-même des maisons par bateaux et motoneiges (!) On m'a dit également que plusieurs personnes qui avaient été jetés dehors d'autres villages des alentours se sont ramassées à Akulivik. Oui, une communauté peut décider de jeter quelqu'un dehors du village tout simplement. Ça expliquerait peut-être pourquoi c'est un village considéré dur par les gens que j'ai rencontré... À suivre

         Chien d'Inukjuak                                                                                  
                                                         
Mon contrat de remplacement de la travailleuse sociale des personnes en perte d'autonomie s'est terminé mardi. Saviez-vous que dans la culture inuit, les personnes âgées avaient anciennement une place très importante et qu'ils étaient très respectés? C'est encore le cas mais ce n'est plus disons majoritaire. J'ai vu du money abuse comme on dit ici, de l'abus financier. J'ai vu un aîné en dénutrition tellement il était abusé financièrement. Un bémol cependant, cet abus financier existe au sud également, de même que la violence verbale envers les aînés. C'est loin d'être une problématique nordique et c'est beaucoup plus facile de le savoir et de le voir ici car tout le monde se connaît, et tout finit par se savoir ce qui est bien dans un sens car c'est moins caché qu'au sud et que ça permet de plus rapidement intervenir.  C'est si facile de prendre le chèque de la vieille grand-mère, d'aller le changer à la COOP et de se peter la face avec sa rente... C'est si facile d'aller squatter chez la grand-mère quand on a pas de maison et ainsi de la laisser payer le loyer et la bouffe...

 Vous savez quand des inuits changent et adoptent des comportements des blancs on dit qu'ils sont «blanchis». Les vieux inuits ne mentent jamais parce que les anciens ne mentaient pas mais les jeunes mentent alors on dit qu'ils sont «blanchis». Les aînés du Nunavik ont beaucoup à apporter aux jeunes. J'ai vu une vieille femme qui se soignait elle-même avec de la médecine inuit mais les jeunes ne savent pas ce que c'est. Le savoir traditionnel des aînés est précieux. Comme le dit le proverbe africain, un vieillard qui meurt c'est une bibliothèque qui brûle et c'est aussi vrai ici. Saviez-vous que l'espérance de vie d'un inuit s'établissait en 2001 à 63 pour les hommes et 72 pour les femmes?! C'est un écart d'environ 10 ans avec les autres canadiens... Inégaux dans la vie, inégaux dans la santé et inégaux dans la mort!
Je vous reviens la semaine prochaîne! Astunai!