vendredi 19 septembre 2014

Ivujivik, le plus haut village au Québec

Ai!
Mon séjour tire déjà à sa fin et je m'envolerai sous peu vers un village où je ne suis jamais allée. C'est le village le plus haut au Québec (et donc, le plus froid brr!) Voici un documentaire sur le village si ça vous intéresse (et que vous avez la vitesse internet pour!) http://mobile.tv5mondeplus.com/video/12-01-2012/ivujivik-198817/

Vendredi passé, nous apprenions par surprise que le permanent d'Akulivik revenait de son congé de maladie donc déménagement pour moi et changement de village! J'irai donc à Ivujivik qui veut dire «Là où les glaces s'accumulent en raison de forts courants». C'est un tout petit village, le plus petit que je vais avoir visité jusqu'à présent (370 habitants au dernier recensement).

Je quitte Akulivik avec un peu plus d'espoir pour la communauté que la dernière fois ou j'y étais passée comme je disais la semaine passée. Des problèmes ont été soulevés et discutés en réunion cette semaine. Il semblerait selon ce qu'on m'a dit que le maire du village et sa clique sont assez... comment dire poliment... lents à faire bouger les choses ici. Depuis plusieurs années, l'argent pour un gym est disponible mais aucune action n'est effectuée. Ça semble anodin pour les gens du sud mais ici où l'ennui et le manque d'activités en tout genre est flagrant, un gym est très important. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres qui font que les initiatives de certains travailleurs sont découragées, entravées je dirais même par la municipalité qui devrait pourtant collaborer. Je me souviens de cette phrase qui dis «Si vous ne vous occupez pas de politique, elle s'occupera de vous»... À Akulivik, on pourrait dire «Si vous ne vous occupez pas de politique, elle ne s'occupera pas de vous». C'est une histoire à suivre...

Je me rend compte qu'il est parfois de plus en plus difficile pour moi de partir. On dirait que j'oublie de ne pas trop m'attacher. Je m'attache à ce client un peu limité dont je gère l'argent l'espace de quelques semaines et qui nous visite à tout les jours, à cette collègue inuk qui aide tout le monde dans sa famille au détriment de son bien-être ou à cette autre qui vit avec un homme si contrôlant et violent mais qui m'en parle avec un petit sourire comme pour dédramatiser. D'autres villages, je me rappelle cet autre collègue qui mange sans arrêt des brownies et qui trouve toujours à rire quand je lui dis que ce n'est pas bon pour sa santé, de celui qui est tout un chasseur mais qui sait aussi écouter et comprendre les clients mieux que moi, de celle qui voulait m'attacher à une chaise avec du duck tape pour ne pas que je parte. Je me rappelle celle-ci plus âgée qui ne parle pas beaucoup anglais mais qui est toujours souriante et fidèle au poste et qui amène de la banique parfois pour les Quallunaat. Je me rappelle cette cliente dans un autre village qui attend depuis une éternité un placement au sud pour son enfant handicapé et je me demande comment elle va. Toujours partir sans savoir si on va revenir... Je pense aussi à mes gens au sud que je quitte souvent. Ce n'est pas toujours facile d'être prise entre deux mondes.

Je fais ça court, j'ai une valise à préparer! Dans un autre ordre d'idées, si ça vous intéresse, j'ai découvert qu'il y a des tisanes faîtes avec des éléments qu'on retrouve au Nunavik, un mélange d'épices fait à partir d'algues de la région et même des crèmes pour le visage aux algues! Ça peut être intéressant d'encourager ces initiatives commerciales et, par le fait même, découvrir de nouveaux produits. Voici les liens... Le premier décrit comment est né le projet avec les algues ;
http://objectifnord.telequebec.tv/explorer/liste/marees-de-l-ungava/algues
http://www.nunavikfoods.com/index_fr_ca.html
http://www.deliceboreal.com/fr/tisanes/
http://www.ungavacare.com/fr/welcome
Atsunai!



mercredi 10 septembre 2014

L'alcool

Ai!

Saviez-vous que le mythe selon lequel les populations autochtones seraient plus sensibles à l'alcool est faux? Je ne sais pas cependant si cela s'applique pour les inuits car ils n'ont pas les mêmes ancêtres/lignée génétique que les autochtones (les ancêtres des inuits sont les thuléens) mais, on va supposer que c'est probable aussi. Il semble au contraire qu'il se pourrait que les populations autochtones soient moins affectées par l'alcool et  «de même, une forte tolérance à l'alcool est généralement associée à un risque accru d'en devenir dépendant». Donc, pas de prédisposition mais en même temps pas de facteurs de protection non plus (comme les asiatiques) et, comme l’auteur de cet article le souligne si pertinemment, c’est davantage le milieu social et environnemental difficile qui prédispose…http://www.lapresse.ca/le-soleil/vivre-ici/la-science-au-quotidien/201409/06/01-4797872-le-mythe-de-leau-de-feu.php utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B9_sciences_1817902_accue

Il est intéressant que de constater qu’en ce qui concerne l’alcoolisme, deux visions peuvent s’affronter soit celle médicale ou soit celle sociale, environnementale. En ce qui me concerne, j'aime mieux penser que l’alcoolisme est le symptôme et non la cause. Cependant, il est certain qu’il est plus facile de dire que c’est en raison d’une particularité génétique ou physiologique que quelqu’un ou une population est alcoolique et non en raison de son environnement car, il est beaucoup plus difficile d’apporter des changements sociaux. Cela amène la majorité des gens incluant certains autochtones à penser qu’ils sont alcooliques parce qu’autochtones et donc prédisposés à l'être. C’est très pervers également car ça peut devenir un élément identitaire. Un jeune me disait par exemple ; «je ne me sens pas inuit car je ne bois pas, ne me drogue pas et ça ne m’intéresse pas».  Cela amène aussi une moins grande responsabilisation de la personne face à son problème étant donné que la croyance populaire fausse veut que ce soit «génétique, on ne peut rien y faire». C’est une pente très dangereuse à mon avis. 
Tout au long de leur colonisation, l’exclusion des Autochtones s’est
concrétisée par le renforcement de leur différence avec le monde des
Blancs, notamment dans leurs habitudes de consommation.
Diviser, différencier, déresponsabiliser pour mieux régner? 

Rien n'est jamais aussi simple qu'il paraît et il est plus facile d'envoyer des gens en traitement plutôt que de travailler sur la pauvreté, la misère sociale et intellectuelle et les impacts de la colonisation. En ce qui concerne les centres de traitement pour se «guérir» de cette dépendance, ils ne fonctionnent pas. D'ailleurs, ce n'est même pas moi qui le dis mais l'intervenant spécialisé en addictions pour la côte de la Baie d'Hudson avec qui j'ai parlé la semaine dernière. Ces ressources ne fonctionnent pas, c'est prouvé et facilement observable pour n'importe quel intervenant. Les gens qui y vont rechutent toujours ou presque. Un des gros problèmes est le fait que suite au traitement qui est presque toujours à l'extérieur de la communauté (Montréal ou Kuujuaq), les gens reviennent dans la communauté avec le même entourage et les mêmes problèmes sans suivi ou support. Heureusement, tranquillement pas vite, des initiatives sont mises en place pour palier à ce manque. La semaine prochaine, nous aurons d'ailleurs la visite de personnes pour tenter d'en débuter un ici.

Déjà la moitié de mon séjour qui s'amorce!  Ma première semaine ici, je n'avais pratiquement personne pour m'aider heureusement que c'était assez tranquille. Une de mes collègues inuk était allée cueillir des bleuets dans un autre village. C'est une activité très populaire ici vers la fin de l'été et le début de l'automne. Les gens revendent parfois les sacs de bleuets à des prix qui varient de 15 à 40$. Bref, une partie cueillie des bleuets l'autre Dieu sait-ou, on se débrouille comme on peut dans un village ou on ne connait pas grand monde. J'ai du avouer à ma boss que j'étais seule à un moment ou j'avais à gérer une situation problématique malheureusement ce qui s'est résulté en une absence de paye pour mes collègues. Avec le recul, j'aurais peut-être du rester un peu plus floue sur leur absentéisme mais personne ne m'en a tenu rigueur comme quoi même si elles le font, elles savent qu'elles ne devraient pas? Le fait est qu'ici les travailleuses communautaires ne travaillent pas toujours et se font payer quand même... Il faut savoir que les supérieurs sont dans un autre village et que les blancs ne sont pas la pour jouer les porte-panier. Travailler au Nord parfois c'est être pris entre l'arbre et l'écorce...Cette semaine, je recommence à être sans helper et c'est difficile de travailler dans ces conditions spécialement avec des gens ne parlant pas anglais du tout!

Il y a certaines légères améliorations à Akulivik depuis mon dernier passage. Il y a une travailleuse communautaire d'engagée pour travailler sur des projets visant la sensibilisation et la prévention dans la communauté, des idées de partir des groupes de support et l'autobus scolaire qui ne fonctionnait plus depuis un an fonctionne! Il faut voir le positif dans les petites choses...!


Dans un autre ordre d'idée j'ai fait du bateau me gelant les fesses avec des inuits en t-shirt pour regarder si les filets avaient recueilli de l'Artic Char sans succès tout en restant à l’affût parce que certains des gens du village croient au Big-Foot...  Aussi, cette semaine je n'ai pas de mots pour décrire (encore, je radote) mon dégoût du gouvernement Harper qui refuse de s'intéresser aux sort des femmes autochtones disparues et tuées donc j'emprunte ceux-ci ;

«Un peuple invisible», disait le chanteur
Tellement invisible que voilà que ses mères disparaissent
Sans laisser de traces
Sans créer de drame
Sans recomptage
Comme des papillons de nuit…
Des marches de l’empereur aller simple seulement
Des impératrices volatilisées
Qui partent à la chasse sans revenir au bercail
Des alertes AMBER sans pancartes
Mortes dans l’oeuf
Sans espoir de rançon
Missing, pas de pinte de lait
Bye
On tourne la page
Terrés derrière nos TV
Gênés d’être lucides
Faudra tout de même un jour oser le dire
Si ça, c’est pas un génocide
Dites au Larousse de nous garder une pleine page
Le temps qu’on trouve les mots justes
Ici gît le Tiers-monde
Né pour un petit pain
Mort à genoux
Les deux pieds dans le pétrin
le reste de ce texte de Grantalen ici ; http://grantalen.com/wordpress/?p=642

Le 4 octobre il y a une marche qui se tiendra à Montréal au Parc Émilie-Gamelin et j'y serai probablement. Il s'agit de la 9 marche/veille officielle pour les femmes autochtones disparues et assassinées mais comme disait Gaston Miron «Ouices choses ont déjà été ditesmais je les répéterai jusqu'à ce que vous les ayez comprises»
Je vous y invite! ;)
Atsunai!