mercredi 10 septembre 2014

L'alcool

Ai!

Saviez-vous que le mythe selon lequel les populations autochtones seraient plus sensibles à l'alcool est faux? Je ne sais pas cependant si cela s'applique pour les inuits car ils n'ont pas les mêmes ancêtres/lignée génétique que les autochtones (les ancêtres des inuits sont les thuléens) mais, on va supposer que c'est probable aussi. Il semble au contraire qu'il se pourrait que les populations autochtones soient moins affectées par l'alcool et  «de même, une forte tolérance à l'alcool est généralement associée à un risque accru d'en devenir dépendant». Donc, pas de prédisposition mais en même temps pas de facteurs de protection non plus (comme les asiatiques) et, comme l’auteur de cet article le souligne si pertinemment, c’est davantage le milieu social et environnemental difficile qui prédispose…http://www.lapresse.ca/le-soleil/vivre-ici/la-science-au-quotidien/201409/06/01-4797872-le-mythe-de-leau-de-feu.php utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B9_sciences_1817902_accue

Il est intéressant que de constater qu’en ce qui concerne l’alcoolisme, deux visions peuvent s’affronter soit celle médicale ou soit celle sociale, environnementale. En ce qui me concerne, j'aime mieux penser que l’alcoolisme est le symptôme et non la cause. Cependant, il est certain qu’il est plus facile de dire que c’est en raison d’une particularité génétique ou physiologique que quelqu’un ou une population est alcoolique et non en raison de son environnement car, il est beaucoup plus difficile d’apporter des changements sociaux. Cela amène la majorité des gens incluant certains autochtones à penser qu’ils sont alcooliques parce qu’autochtones et donc prédisposés à l'être. C’est très pervers également car ça peut devenir un élément identitaire. Un jeune me disait par exemple ; «je ne me sens pas inuit car je ne bois pas, ne me drogue pas et ça ne m’intéresse pas».  Cela amène aussi une moins grande responsabilisation de la personne face à son problème étant donné que la croyance populaire fausse veut que ce soit «génétique, on ne peut rien y faire». C’est une pente très dangereuse à mon avis. 
Tout au long de leur colonisation, l’exclusion des Autochtones s’est
concrétisée par le renforcement de leur différence avec le monde des
Blancs, notamment dans leurs habitudes de consommation.
Diviser, différencier, déresponsabiliser pour mieux régner? 

Rien n'est jamais aussi simple qu'il paraît et il est plus facile d'envoyer des gens en traitement plutôt que de travailler sur la pauvreté, la misère sociale et intellectuelle et les impacts de la colonisation. En ce qui concerne les centres de traitement pour se «guérir» de cette dépendance, ils ne fonctionnent pas. D'ailleurs, ce n'est même pas moi qui le dis mais l'intervenant spécialisé en addictions pour la côte de la Baie d'Hudson avec qui j'ai parlé la semaine dernière. Ces ressources ne fonctionnent pas, c'est prouvé et facilement observable pour n'importe quel intervenant. Les gens qui y vont rechutent toujours ou presque. Un des gros problèmes est le fait que suite au traitement qui est presque toujours à l'extérieur de la communauté (Montréal ou Kuujuaq), les gens reviennent dans la communauté avec le même entourage et les mêmes problèmes sans suivi ou support. Heureusement, tranquillement pas vite, des initiatives sont mises en place pour palier à ce manque. La semaine prochaine, nous aurons d'ailleurs la visite de personnes pour tenter d'en débuter un ici.

Déjà la moitié de mon séjour qui s'amorce!  Ma première semaine ici, je n'avais pratiquement personne pour m'aider heureusement que c'était assez tranquille. Une de mes collègues inuk était allée cueillir des bleuets dans un autre village. C'est une activité très populaire ici vers la fin de l'été et le début de l'automne. Les gens revendent parfois les sacs de bleuets à des prix qui varient de 15 à 40$. Bref, une partie cueillie des bleuets l'autre Dieu sait-ou, on se débrouille comme on peut dans un village ou on ne connait pas grand monde. J'ai du avouer à ma boss que j'étais seule à un moment ou j'avais à gérer une situation problématique malheureusement ce qui s'est résulté en une absence de paye pour mes collègues. Avec le recul, j'aurais peut-être du rester un peu plus floue sur leur absentéisme mais personne ne m'en a tenu rigueur comme quoi même si elles le font, elles savent qu'elles ne devraient pas? Le fait est qu'ici les travailleuses communautaires ne travaillent pas toujours et se font payer quand même... Il faut savoir que les supérieurs sont dans un autre village et que les blancs ne sont pas la pour jouer les porte-panier. Travailler au Nord parfois c'est être pris entre l'arbre et l'écorce...Cette semaine, je recommence à être sans helper et c'est difficile de travailler dans ces conditions spécialement avec des gens ne parlant pas anglais du tout!

Il y a certaines légères améliorations à Akulivik depuis mon dernier passage. Il y a une travailleuse communautaire d'engagée pour travailler sur des projets visant la sensibilisation et la prévention dans la communauté, des idées de partir des groupes de support et l'autobus scolaire qui ne fonctionnait plus depuis un an fonctionne! Il faut voir le positif dans les petites choses...!


Dans un autre ordre d'idée j'ai fait du bateau me gelant les fesses avec des inuits en t-shirt pour regarder si les filets avaient recueilli de l'Artic Char sans succès tout en restant à l’affût parce que certains des gens du village croient au Big-Foot...  Aussi, cette semaine je n'ai pas de mots pour décrire (encore, je radote) mon dégoût du gouvernement Harper qui refuse de s'intéresser aux sort des femmes autochtones disparues et tuées donc j'emprunte ceux-ci ;

«Un peuple invisible», disait le chanteur
Tellement invisible que voilà que ses mères disparaissent
Sans laisser de traces
Sans créer de drame
Sans recomptage
Comme des papillons de nuit…
Des marches de l’empereur aller simple seulement
Des impératrices volatilisées
Qui partent à la chasse sans revenir au bercail
Des alertes AMBER sans pancartes
Mortes dans l’oeuf
Sans espoir de rançon
Missing, pas de pinte de lait
Bye
On tourne la page
Terrés derrière nos TV
Gênés d’être lucides
Faudra tout de même un jour oser le dire
Si ça, c’est pas un génocide
Dites au Larousse de nous garder une pleine page
Le temps qu’on trouve les mots justes
Ici gît le Tiers-monde
Né pour un petit pain
Mort à genoux
Les deux pieds dans le pétrin
le reste de ce texte de Grantalen ici ; http://grantalen.com/wordpress/?p=642

Le 4 octobre il y a une marche qui se tiendra à Montréal au Parc Émilie-Gamelin et j'y serai probablement. Il s'agit de la 9 marche/veille officielle pour les femmes autochtones disparues et assassinées mais comme disait Gaston Miron «Ouices choses ont déjà été ditesmais je les répéterai jusqu'à ce que vous les ayez comprises»
Je vous y invite! ;)
Atsunai!

4 commentaires:

  1. très intéressant comme d'habitude! Le Big Foot, vraiment?!
    J.

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    Réponses
    1. merci! oui! mais il paraît qu'il se déplace très rapidement...

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  2. Bravo pour cette chronique fort instructive sur le rapport des Inuits avec l'alcool. Comme quoi les mythes ont la vie dure. Et t'inquiète pas, tu radotes pas, on dénoncera jamais assez l'attitude scandaleuse du gros cowboy Harper dans le dossier des femmes autochtones, comme en environnement d'ailleurs. Chapeau à Grantalen pour ce texte percutant!
    Le gardien de monsieur Tempête toujours en forme.

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